Devenir adulte en Europe
avril 2008
Sur le site La vie des idées, un
compte-rendu de Christian Baudelot
(professeur de sociologie à l’École normale supérieure) d’un livre de Cécile Van de Velde sur les adolescents européens.
Il y fait d’abord remarquer que l’auteure effectue un "petit coup d’État méthodologique" en cessant de considérer l’adolescence comme une période précise et limitée de la vie, précédant l’entrée dans l’âge adulte, lui-même marqué par " un emploi stable, une résidence indépendante et une mise en couple " : " ces étapes ont perdu leur pouvoir de scansion collective des parcours. (...) Le prétendu adulte ne se conçoit plus lui-même comme un être fini : il ne cesse de se trouver devant une ligne d’horizon qui recule à mesure qu’il avance et réapparaît devant lui au moment même où il croit l’avoir franchie. La notion d’adulte ne renvoie plus à un statut, elle n’est que perspective. "
L’adolescence française est " mise en perspective " en utilisant les données du Panel Européen des Ménages réalisé dans quatre pays, le Danemark, le Royaume Uni, la France et l’Espagne. " Les six premières vagues de ce Panel permettent de reconstituer les itinéraires d’émancipation familiale et d’insertion sociale de jeunes vivant dans ces quatre pays et âgés de 18 à 30 ans de 1994 à 1999." Ce travail de comparaison aboutit à une typologie " d’expériences " et non d’une catégorisation d’individus, chaque type étant propre à un pays.
Les Danois : " Se trouver correspond à une manière de vivre sa jeunesse comme un temps long d’exploration et d’expérimentation dans une logique de développement personnel. Prise d’indépendance précoce, itinéraires sinueux et discontinus vécus sans urgence, construction progressive de soi et définition d’une identité sociale."
Les Britanniques : " S’assumer, dans une logique d’émancipation individuelle, avec des trajectoires courtes orientées quasi exclusivement vers la recherche d’emploi. Dans ce parcours, le jeune homme et la jeune femme doivent faire les preuves de leurs capacités individuelles d’indépendance et d’autofinancement et à rompre eux-mêmes les liens qui les relient à la famille et à l’Etat."
Les Français : " Se placer. L’investissement dans le capital humain sous les espèces de la scolarisation et de la course au diplôme est le facteur principal. Il s’accompagne d’une dépendance prolongée de la famille." Avec un sentiment d’urgence omniprésent.
Les Espagnols : " S’installer. Partir de chez ses parents constitue la dernière étape d’un processus en trois actes : emploi stable, mariage, achat d’un logement."
Cécile Van de Velde. Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe. PUF, « Le Lien social », février 2008.