Les Américains sont contents de leur campagne de lutte contre la grippe A/H1N1
janvier 2010, par serge cannasse 
Alors que le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 donne l’occasion aux Français de se livrer à leur sport national favori, trouver des coupables, un article du New York Times revient sur les raisons qu’ont les Américains de se féliciter de ce qu’ils considèrent comme un succès de la leur (un Américain sur 5 vacciné à la mi-janvier).

L’auteur note d’emblée trois bonnes nouvelles sur lesquelles nos compatriotes n’insistent pas assez : le virus est nettement moins virulent que prévu, il n’a pas eu de mutation dangereuse, les vaccins sont beaucoup plus efficaces qu’attendu (en gros, deux fois mieux qu’annoncé et six fois mieux que celui dirigé contre le virus de la grippe aviaire, contre lequel l’essentiel des préparatifs a été fait). Globalement satisfait, il admet cependant des ratés, par exemple, dans la capacité de certains hôpitaux à prendre en charge les cas graves alors que leur nombre était loin d’atteindre les seuils normaux d’alerte ; ou l’optimisme sur la date de livraison des vaccins, ce qui fait dire à un commentateur : « Auraient-ils été moins confiants au départ, ils seraient apparus comme des héros plus tard »...
Pour lui, ce qui a marché tient essentiellement à la façon dont les autorités de santé fédérales ont mené toute l’affaire et d’abord à leur capacité à contrer les rumeurs en délivrant des informations fiables. C’est-à-dire, côté web, leur réactivité face à la quirielle d’âneries débitées sur le web, systématiquement contrées avec des arguments sans langue de bois ; côté journalistes, l’organisation de réunions d’information régulières, dans lesquelles ils pouvaient poser toutes les questions qu’ils voulaient (ayant assisté à un bon nombre des conférences de presse de notre ministre, je mesure assez bien la différence …), de sessions de formation, tous frais payés, en direction de ceux qui, comme le dit délicatement l’auteur de l’article, « sont moins nombreux qu’autrefois à comprendre les problèmes médicaux » (ce qui, d’après les mêmes conférences de presse de notre ministre, vaut aussi pour la France …), d’exercices pratiques sur des événements probables (exemple : une femme enceinte avorte après s’être fait vacciner – scoop ou non événement ?) et enfin la mise à disposition en permanence d’une ligne téléphonique pour répondre à leurs questions, même en provenance de l’autre bout du monde.
L’auteur met également à leur crédit d’avoir évité de prendre des décisions alarmistes, du genre fermeture de la frontière mexicaine ou fermeture des écoles, celle-ci s’étant montrée rapidement contre-productive (rappelons la controverse stérile du mois d’août dernier provoquée par un ministre français de l’Education sans doute en mal de notoriété) et la latitude laissée aux autorités locales pour décider de la façon d’organiser la campagne de vaccination (chez les généralistes, en centres de vaccination ou par équipes envoyées dans les écoles). Le nombre de doses vaccinales était calculé en fonction de la taille de la population de chaque Etat.
Il note enfin leur décision de privilégier des vaccins sans adjuvants, pour ne pas heurter le sentiment de populations méfiantes à leur égard, alors même que ces adjuvants augmentent l’efficacité vaccinale et qu’il n’y a aucune preuve scientifique de leur dangerosité. Inutile ici de s’étendre sur les mauvais souvenirs de l’automne…
Bien que l’auteur ne l’écrive pas, le lecteur français ne peut manquer de remarquer la capacité des responsables publics à reconnaître et discuter leur erreurs, allant de pair avec celle de leurs interlocuteurs à ne pas les soupçonner systématiquement de collusion avec l’industrie pharmaceutique. Terminons, pour éviter toute ambiguïté, en rappelant que le New York Times est le journal qui a dénoncé plusieurs scandales de corruption d’experts par des entreprises de la dite industrie ces dernières années.
Photo : Chicago, 2008 © serge cannasse